Affichage des articles dont le libellé est Bernard Stiegler. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Bernard Stiegler. Afficher tous les articles

2013/09/08

Carving #freedom, 4350 years before Paul Eluard

 [1] 
Urukagina, the leader of the Sumerian city-state of Girsu/Lagash, led a popular movement that resulted in the reform of the oppressive legal and governmental structure of Sumeria. The oppressive conditions in the city before the reforms is described in the new code preserved in cuneiform on tablets of the period: "From the borders of Ningirsu to the sea, there was the tax collector." During his reign (ca. 2350 B.C.) Urukagina implemented a sweeping set of laws that guaranteed the rights of property owners, reformed the civil administration, and instituted moral and social reforms. Urukagina banned both civil and ecclesiastical authorities from seizing land and goods for payment, eliminated most of the state tax collectors, and ended state involvement in matters such as divorce proceedings and perfume making. He even returned land and other property his predecessors had seized from the temple. He saw that reforms were enacted to eliminate the abuse of the judicial process to extract money from citizens and took great pains to ensure the public nature of legal proceedings. 

[2] 
As can be gathered from what has already been said about social and economic organization, written law played a large role in the Sumerian city. Beginning about 2700 B.C., we find actual deeds of sales, including sales of fields, houses, and slaves. From about 2350 B.C., during the reign of Urukagina of Lagash, we have one of the most precious and revealing documents in the history of man and his perennial and unrelenting struggle for freedom from tyranny and oppression. This document records a sweeping reform of a whole series of prevalent abuses, most of which could be traced to a ubiquitous and obnoxious bureaucracy consisting of the ruler and his palace coterie; at the same time it provides a grim and ominous picture of man's cruelty toward man on all levels—social, economic, political, and psychological. Reading between its lines, we also get a glimpse of a bitter struggle for power between the temple and the palace—the "church" and the "state"—with the citizens of Lagash taking the side of the temple. Finally, it is in this document that we find the word "freedom" used for the first time in man's recorded history; the word is amargi, which, as has recently been pointed out by Adam Falkenstein, means literally "return to the mother." However, we still do not know why this figure of speech came to be used for "freedom."     
[3]

[4]

[5]
Le Louvre Museum | number AO 24414 | Foundation tablet | Dimensions 25.7*13.7*7.2 cm  
En-metena E l. 9. 5. 5a
A sixteen-line inscription found on foundation tablets and bricks records En-metena's construction of the E-mus temple.
Translation:
iii 10 - iv 3) He cancelled obligations for Lagas, restored child to mother and mother to child. 
iv 4-5) He cancelled obligations regarding interest-bearing grain loans. 
iv 6 - v 3) At that time, En-metena built for Lugalemus, the E-mus ("House — Radiance [of the Land]") of Pa-tibira, his beloved temple, restoring it for him. 
v 4-8) He cancelled [obligations for the citizens of Uruk, Larsa, and Pa-tibira. 
v 9-11) He restored (the first) to the goddess Inanna's control in Uruk, 
vi 1-3) he restored (the second) to the god Utu's control in Larsa, 
vi 4-6) he restored (the third) t[o] the god Lugal-emus's control in the E-mus (in Pa-tibira). 

[6] 
Le roi En-metena (2404-2375) a régné sur la cité-état de Lagash. La tablette de pierre provient des fouilles effectuées à Tello, ancienne Girsu, située dans l'actuel Iraq. Elle était une pierre de fondation du grand temple de la ville de Bad-Tibira [l'E-mus de Pa-tibira]. Elle date d'environ 2400 av. J.C.  Elle est actuellement conservée au Musée du Louvre, qui l'a acquise en 1971.

[7] !! 
Pour la lecture des inscriptions, la numérotation des cartouches par Frayne se suit de bas en haut et de gauche à droite.
 


[8]
... 
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom
...

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer 
Liberté 
(Paul Eluard, 1942) 

Références:

[1] (S.N. Kramer, 1897 – 1990 ; From the Tablets of Sumer: Twenty-Five Firsts in Man's Recorded History, 1956) 
[3] (K. D. Irani, M. Silver ; Social justice in the ancient world, 1995)
[4] (J.S. Bergsma ; The Jubilee from Leviticus to Qumran: A History of Interpretation, Volume 115, 2007)   
[6] Références complètes de la tablette de pierre : Musée du Louvre
[7] Source des images de la tablette et sa localisation dans le musée, pour conclure ces 15 heures de recherche dans notre mémoire commune.
[8] (Paul Eluard, 1895 - 1952 ; Poésies et vérités, 1942)

2013/05/11

Bernard Stiegler et l'anticipation politique

 

Bernard Stiegler (nda: il est décédé en 2020, 7 ans après la publication de cet article) est très certainement l'un des intellectuels les plus marquants dans le monde depuis les années 90. 
  • D'abord par son parcours et son entrée dans la philosophie particulièrement révélateurs de la naissance et du développement d'une pensée originale et fertile; 
  • Mais aussi et surtout parce que son oeuvre philosophique s'attaque à une question fondamentale mais jamais posée auparavant: comment préserver les systèmes sociaux de leur destruction par le système technique? Stiegler propose une approche  de la conception intégrée de l'homme et de la technique, qui impose donc l'indispensable création et développement de nouvelles disciplines de l'esprit, qu'il désigne comme des thérapeutiques (et pas seulement éthique) d'emploi de la pharmacopée constituée par l'ensemble des techniques (Stiegler utilise le terme de pharmacologie). Je vous recommande vivement de lire à ce sujet l'essai "Etats de choc - Bêtise et savoir au XXIème siècle", paru aux Editions Mille et Une Nuits, février 2012;
    • Mais encore par son approche collaborative et transdisciplinaire, et parce qu'il s'intéresse à la question de la transindividuation, qui est l'enjeu de toute la démarche, en associant logiquement le volet de la technique aux volets psycho-sociaux. Il forme donc une proposition féconde pour caractériser ce que j'appelle l'état de conscience sociale. 
    Lorsque les techniques ou technologies sont mises au service de la prolétarisation et de la désindividuation, elles provoquent des court-circuits dans la transindividuation, elles délient les individus psychiques des circuits longs d’individuation, elles le rabattent sur un plan de subsistance en les coupant des plans de consistance. L’hypomnèse devient alors toxique.
    • Et enfin parce que son action et sa réflexion s'inscrivent de plus en plus dans une dimension politique, et pas seulement dans la perspective purement académique de créer une nouvelle école de pensée. Outre l'ambition légitime de refonder l'Université, il faut souligner aussi sa dénonciation de la dynamique néo-conservative, comment en témoigne son tout dernier ouvrage sur la "Pharmacologie du Front National".
    On lira ainsi avec intérêt un récent entretien publié par Politico, et sur lequel contenu nous partageons la même analyse... jusqu'à sa réponse à la dernière question posée, concernant les élections de 2017.

    Ici, il nous semble pour notre part que la réflexion de Bernard Stiegler se fait prendre de vitesse, et qu'il tombe dans un piège, victime d'un manque de méthode: si sa pensée a su développer une bonne analyse des conditions de développement passées du Front National, il prend un raccourci soudain pour exprimer non plus une analyse mais une simple conviction personnelle sur la situation en 2017, avec une assurance certaine. Ces propos sont aussi présents dans "Pharmacologie du Front National", et font l'objet d'un débat animé par Médiapart le 5 Avril avec l'auteur.

    Il nous semble que Stiegler a ici ignoré les conditions de formation d'une bonne anticipation politique, et de la nouvelle discipline d'esprit qu'elle nécessite. Il tombe donc dans le piège de l'interprétation personnelle des sophistes dénoncée par Platon, et participe alors ponctuellement, même si c'est de bonne foi, à la constitution d'une rétention tertiaire qui rajoute à la confusion généralisée.

    Plus généralement, toute la construction de Stiegler sur le système psycho-socio-technique et ses pharmacologies nous semble pouvoir être appliquée à l'objet de l'anticipation, et à ses diverses techniques. La méthode d'anticipation politique nous semble alors être une thérapeutique adéquate, et notamment parce qu'elle prend en compte par construction les phénomènes liés à la transindividuation, qui deviennent dominants dans l'évaluation d'une dynamique politique.

    Rappelons pour conclure que la situation politique en France en 2017 sera nécessairement fortement influencée par la situation de la zone Euro, par l'actuelle montée en puissance de la représentativité constituée par le Parlement Européen, et que ces situations ne pourront par exemple ignorer les évolutions majeures qui s'annoncent de l'autre côté de l'Atlantique, ni les sous-jacents de "l'extrême-droitisation de la société" (selon l'expression de Stiegler) que j'aborde. Tous ces facteurs ne sont pas analysés par Stiegler (ni par Todd, mais ce n'est pas une surprise; on remarquera d'ailleurs que ce dernier lors du débat sur Mediapart "anticipe une crise systémique globale", qui est littéralement le concept formé dès 2006 par le L.E.A.P. et vérifié depuis avec un succès certain; mais Todd l'eurosceptique, ne partageant pas du tout le même avis sur l'euro qui devait disparaître selon lui en 2012 -et chaque année depuis 1999 si on reprend ses interviews- ne pouvait citer le L.E.A.P. comme origine de son inspiration).