2013/04/17

La prospective n'est qu'un art, pas un outil d'aide à la décision

 Les carnets de Clarisse nous incite dans un billet récent à considérer le travail de prospective comme un art.

"La prospective est un art, et comme tout art, est subjectif. La qualité de la composition et la pertinence du sujet viennent de l’œil de celui qui regarde, et la véracité ou la justesse du résultat de son savoir-faire et de son honnêteté."

Nous ne pouvons qu'être d'accord. Mais Clarisse ne pousse pas la réflexion assez loin. Nous posons la question : la prospective ne devrait-elle être qu'un art ?

Certainement pas. En effet, indépendamment de ses conditions de création, la première utilisation qui est faite des résultats des analyses de prospectives par ses lecteurs est bien celui d'une aide à la décision sous un angle plus rationnel que la divination ou la cartomancie. L'attente est bien là, et pas dans la contemplation d'une oeuvre poétique, bien qu'elle puisse être riche de sens. Mais uniquement du sens que l'auteur a choisi d'y mettre, et du sens que le lecteur (qui est aussi "celui qui regarde") choisit de percevoir. 

Faut-il donc conclure par un constat d'échec de notre capacité humaine à mieux anticiper les bonnes décisions ? 
Non plus. Il s'agit justement de développer ce qui manque à la prospective : une méthode rationnelle qui permet de sortir du cadre subjectif de l'expression artistique, à la fois dans l'acte de création et dans celui de la diffusion/perception. Et c'est exactement ce que propose la méthode d'anticipation politique

3 commentaires:

  1. Réponse à Frédéric Oble :
    La faiblesse structurelle de la prospective réside dans le degré de pertinence liée à la faible reproductibilité du résultat obtenu. Le fait d'être un art n'est pas un problème en soi, mais le devient quand le producteur a besoin d'une démarche plus efficace que l'essai/erreur de la "déambulation de l'ivrogne", et d'un outil d'aide à la décision stratégique. Il ne s'agit pas d'être exhaustif, donc on accepte une vue partielle, mais il s'agit de ne pas manquer l'essentiel, y compris dans les moments de rupture stratégique et sans être perdu dans les multiples alternatives. C'est ce type de problème qui a fondé la démarche d'anticipation politique, et c'est sur ceux-ci qu'elle a prouvé son intérêt.

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  2. Je ne parle pas de "déambulation de l'ivrogne" quand j'évoque le principe de projection. Je suis plus dans le principe de découpage de l'information selon différentes échelles. On peut retrouver in fine ces principes dans les réseaux de neurones. Plus tu as d'échelles stockées dans ton système d'analyse plus le résultat de la projection est rapide et proche de l'exactitude. La limitation de ce genre d'approche est de devoir stocker énormément d'information. La raison veut qu'il est préférable de ne stocker que quelques grandes échelles et ensuite itérer dans des zones de fortes variabilité. Il est donc possible de prendre des décisions rapides et correcte dans les grandes échelles et donc les grandes tendances. Là où cela devient plus difficiles de prendre des décisions c'est au niveau des petites échelles. Malheureusement c'est là que peuvent apparaître les disruptions qui vont bouleverser l'ensemble du système, rendant la prise de décision sure risquée pendant le temps de la transition. Paradoxalement c'est au moment où il y a des transitions qu'il faut prendre des décisions alors que l'on sait pertinemment que l'on va faire des erreurs. Pas de bol c'est à ce moment que cela devient un risque de ne pas prendre de décision ;)

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  3. Oui, mais je voudrais creuser ce que tu dis :
    1) "Il est donc possible de prendre des décisions rapides et correcte dans les grandes échelles et donc les grandes tendances."
    En pratique, pour les decisions que tu as a prendre pour toi (ou pour AWL), est-ce que tu utilises des réseaux de neurones artificiels consommant un grand volume de données ? Je ne pense pas que ce soit le cas. Donc avec quels outils d'aide à la décision, quelle méthode utilises-tu au quotidien pour résoudre ce problème de prise de décision ?

    2) "Là où cela devient plus difficiles de prendre des décisions c'est au niveau des petites échelles, là où vont apparaitre les disruptions"
    Est-ce que tu peux préciser ce qu'est dans ton cas les petites échelles ?
    De manière générale, je répondrai que l'anticipation politique ne s'adresse pas qu'aux décideurs politiques, pour des décisions à grande échelle. Au contraire c'est un outil à disposition de tout le monde qui a besoin de prendre une décision lourde dans un environnement où les acteurs sont multiples. Par exemple: faut-il acheter maintenant mon logement ? Quelle langue faire apprendre à mes enfants ? Quel secteur va se développer ou péricliter dans mon département/ma région dans les prochaines années ?
    L'anticipation politique n'est pas une approche top-down. Elle vise justement à identifier les signaux faibles porteurs de disruption, mais à pouvoir juger surtout de leur rapidité de développement. C'est là qu'on s'éloigne beaucoup de la prospective, qui consiste à établir des scénarios contrastés, puis à laisser le lecteur/l'utilisateur les parcourir comme bon lui semble ("la déambulation de l'ivrogne"). Indépendamment de la qualité intrinsèque des scénarios proposés (cf l'article), on se heurte là à une limite structurelle en terme d'aide à la décision, que l'anticipation politique propose de lever.

    On peut développer ensemble l'approche dans le domaine strictement IT si tu le souhaites.

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